Luc COURCHESNE

Montréal, CA

Professeur adjoint et honoraire de l’Université de Montréal en game design (partenariat avec Ubisoft) et design d’expérience, artiste numérique (digital artist).

Biographie

Luc Courchesne participe à l’émergence des arts médiatiques et numériques il y a près de 50 ans alors que, vidéaste inspiré par une génération de cinéastes expérimentaux tels Michael Snow et Hollis Frampton, il adopte les technologies informatiques. Ses travaux portent d’abord sur le portrait interactif, une grande tradition artistique qui cherche sa nouvelle expression (Portrait no. ). Plus récemment c’est sur le paysage un autre genre important que porte son attention. Inventeur d’un dispositif qui permet l’immersion visuelle, il a contribué par ses installations et ses images «panoscopiques» à transformer le spectateur de l’ouvre en visiteur, acteur et même habitant de ses dispositifs expérienciels. Il est maintenant engagé dans la création d’espaces virtuels sociaux et dans l’esthétique des transitions entre l’expérience de l’espace physique et virtuel et de l’interaction humaine.

Son travail fait partie de plusieurs grandes collections d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie et a été présenté dans le cadre de plus de 100 expositions importantes à travers le monde.

Luc Courchesne vit et travaille à Montréal. Il est professeur honoraire de l’Université de Montréal, membre fondateur de la Société des arts technologiques. Il a été directeur (2009-2014) co-directeur (2014-2017) du SAT | Metalab et commissaire du Symposium iX (2014-2018). Membre de l’Académie royale des arts du Canada, il est représenté par la galerie Pierre-François Ouellette Art Contemporain. Luc Courchesne a reçu en 2019 le Prix Paul-Émile Borduas, la plus haute distinction accordée en arts visuels au Québec.

Les réponses de Luc Courchesne

Mon nom est Luc Courchesne, je suis professeur retraité, honoraire de l’Université de Montréal, mais j’ai gardé un titre de professeur adjoint parce que ça me permet de faire des demandes de subventions et de continuer d’aider l’école de toutes sortes de façons. Je suis attaché à l’École de design de l’Université de Montréal, une école où on fait du design industriel, du design d’intérieur et du design de jeu. On a réussi à ouvrir une collaboration avec Ubisoft il y a quelques années, à l’époque où j’étais directeur pour l’ancien programme. Et ça fonctionne plutôt bien, en fait.

Donc, je trouve que c’est intéressant de voir la synergie entre des industriels qui maîtrisent très bien la 3D, la modélisation 3D et l’animation, qui est une expertise assez centrale dans le prototypage de design de jeux. Parce qu’on crée des mondes dans lesquels on se déplace, on évolue tout seul. Donc, s’il y a une très belle synergie entre tous ces programmes à l’école. Donc j’ai fait carrière dans l’enseignement, mais aussi maintenant depuis que j’ai plus de temps.

J’essaie de me consacrer plus à la création, donc à titre d’artiste d’art. Ici, au Canada, on parle d’art numérique. Donc, l’art numérique. C’est l’art qu’on fait avec les ordinateurs, l’art où il y a des uns et des zéros. Et ça comprend l’art procédural, l’art interactif, l’art immersif. En fait, toutes ces choses qu’on ne pourrait pas faire sans les machines, sans les ordinateurs, mais qui touchent aussi aux autres formes d’art assez traditionnelles. Maintenant, aujourd’hui, c’est difficile de se passer de l’informatique, dans la boîte à outils de l’artiste. Il y a toujours un ordinateur et beaucoup de périphériques et des caméras numériques et toutes sortes de choses comme ça qui rendent très, très intéressant.

C’est une formation d’avenir. Si par médias interactifs, on entend des pratiques de la création et de la diffusion qui s’appuient sur les technologies de l’information, de la communication, c’est non seulement essentiel, mais c’est l’idée de créer un master, c’est-à-dire un bac 3 à 5, donc c’est vraiment le minimum.

Il y a tellement d’aspects importants à maîtriser pour commencer, à comprendre au fond tout ce que ça implique. Ces médias créatifs, selon moi, c’est pour quelqu’un qui est sérieux et qui veut faire carrière là-dedans. C’est essentiel le master. Puis non seulement c’est essentiel de passer par là, mais c’est essentiel d’apprendre à apprendre. C’est comme créer sur des sables mouvants, tout bouge, tout se transforme. Alors, il faut savoir apprendre, pour rester à jour, tout simplement. Je suis né au 20e siècle, au milieu du 20e siècle, donc j’ai connu l’informatique assez tard dans ma vie, autour de 30 ans. Mais à un moment donné, je me suis dit que le médium du XXIe siècle, ça allait comprendre tous les médiums historiques, comme la peinture, la sculpture, la photographie, qui est un magnifique médium qui date du 19ᵉ siècle. Le panorama, l’immersion qui nous a été donnée par le panorama et le cinéma, l’image en mouvement. Donc tout ça, ça reste très pertinent. Tous ces métiers restent valables. Mais si on ajoute à ça ce qu’on appelle les arts numériques, c’est-à-dire les jeux vidéo, l’art interactif et immersif, l’art génératif, procédural, la robotique. On arrive avec une boîte à outils d’artistes, de créateurs qui est extrêmement riche, mais aussi complexe. Et pour pouvoir faire de l’art avec tout ça ou créer, il faut apprendre à s’en servir pour que les créations qu’on souhaite faire ne soient pas sur la technologie qu’on utilise, mais plutôt sur ce qu’on veut passer comme message, qu’on veut communiquer comme expérience. Donc, la maîtrise de ces outils-là, c’est un processus qui prend du temps. Il faut s’y mettre. Mais quand on les maîtrise, on est à la bonne place pour transformer la société en tant qu’artiste designer, créateur, etc.

Donc, c’est ce qu’un mastère en « média créatif », c’est vraiment être sur la ligne de front, au front de la transformation sociale dont on a besoin aujourd’hui.

On travaille avec l’humain, mais l’humain n’est plus seul. L’humain est accompagné, augmenté, empowered par ses outils, ses machines. À mon avis, il faut une très bonne culture générale pour se lancer là-dedans. Il faut être un humaniste, mais un humaniste qui comprend la technologie, qui développe un sens critique de la technologie aussi. La technologie n’est pas un truc qu’on utilise sans se demander à quoi ça sert, comment ça nous transforme. Ça nous transforme. Il n’y a pas de doute là-dessus, mais comment ça nous transforme ? Un spécialiste, un média critique doit comprendre, avoir un opinion la dessus, donc une très bonne culture générale, un peu comme ce que l’on appelait « l’Honnête homme » du 18e siècle, mais aussi avec une connaissance de la machine de l’informatique.

Il faut savoir ce que c’est, un ordinateur, comment ça fonctionne. On n’a pas besoin d’être des programmeurs géniaux, mais il faut comprendre un peu comment ça marche un algorithme. Pour être capable d’imaginer des projets, des projets transmédia ou des projets de jeux vidéo ou des projets interactifs, ou qui créent des expériences engageantes, d’imaginer ces projets-là en sachant ce que peut faire et ce que ne peut faire un artiste, un concepteur.

Il y a beaucoup de métiers. Je pense que vous avez déjà orienté le programme de façon à ce qu’ il y ait des spécialisations plus du côté contenus, images, expérience. Une autre piste où on va former des gens qui vont être plus « Handsome », plus capables de réaliser des projets, de prototyper des choses qui vont coder, qui vont pouvoir intégrer. L’intégration technologique, c’est vraiment essentiel. On ne parle pas seulement de programmation ici, mais de prendre des librairies, des nouveaux outils technologiques, de faire marcher ça ensemble, d’intégrer tout ça pour que ça fonctionne.

Parce que la création, finalement, c’est l’art du prototype. On fait toujours des nouveaux prototypes de choses qui n’ont jamais été faites. Mais parmi ces prototypes, il y a certaines choses qui deviendront des archétypes, des choses très importantes qu’on reproduira. Mais je pense qu’on est encore à l’époque où les gens qui vont sortir d’un programme de média créatif, sont des gens qui doivent un peu inventer leurs outils, inventer ce qu’on en fait aussi.

Donc, ça prend des gens qui ont cette bonne culture générale, à la fois humaniste et technologique. En même temps, comme les équipes multidisciplinaires, une capacité de travailler en équipe et aussi donc d’intégrer les nouveaux modes de gestion, on parle beaucoup de gestion agile, c’est-à-dire comment créer des structures légères qui peuvent s’adapter aux défis qui peuvent se transformer rapidement, qui peuvent, devant un problème, trouver une solution alternative, toujours faire avancer le projet en mode collaboratif, en mode living lab. L’œuvre n’est pas finie tant qu’elle n’est pas dans les mains du public ou des utilisateurs. Donc les utilisateurs, les joueurs font partie de la mécanique de la création. Comment intégrer ces gens-là plus tôt dans le processus? Des questions formidables qui font partie d’une formation idéale, en « média créatif ».

Pour une formation cohérente et pertinente. Ce que je disais qu’il faudrait, c’est connaître l’informatique et ses possibilités et ses limites. S’intéresser à l’humain, à ses comportements, à ses aspirations. S’intéresser aux enjeux éthiques et esthétiques de l’interaction personnes/machine. Il faut développer un sens critique, développer une signature personnelle aussi. Je pense qu’on ne veut pas copier ou reproduire des choses nécessairement. On veut le faire avec une signature. On peut toujours mettre ce nom au bas du tableau, mais au moins, ça devrait pouvoir impliquer quelque chose de très personnel à l’œuvre. Apprendre à collaborer parce qu’on travaille toujours en équipe, puis apprendre à apprendre parce qu’on n’a jamais fini d’apprendre ce qu’il faut pour bien faire ce métier.

Pour moi, ce que je sens, c’est qu’on est dans un processus où on passe de la 2D à la 3D. Par exemple, le Web est jusqu’à maintenant, un monde 2D, un monde de graphistes, de gens de l’image. Et puis, on s’envole graduellement vers un web 3D où quand on tape une adresse, on va arriver quelque part. On n’arrivera pas sur une page avec des liens cliquables. On va arriver quelque part. On passe donc d’un monde de graphiste à un monde d’architecte. Il y a des gens qui construisent des espaces dans lesquels on est invité à entrer. On peut dire qu’on va vers une sorte de concept comme le métavers, c’est-à-dire une espèce d’univers persistant, que chacun construit, et dans lequel on est invité à vivre des expériences. Ça c’est une chose qui est en train d’arriver ici.

J’ai commencé à travailler, par exemple avec Mozilla Hubs, avec très peu de courbes d’apprentissage. On a réussi à faire des expositions virtuelles et je donne des rendez-vous à mes amis là-dedans. Je leur fais des visites guidées, un peu comme si on visitait un musée ou une galerie, mais on le fait avec un casque idéalement, ou avec son écran d’ordinateur en utilisant les flèches pour se déplacer. Donc, pour moi, ça augure un nouvel espace de création.
Et puis, on a vu avec la pandémie mondiale, l’interdiction de voyager. Au fait qu’on a dû recourir à ces moyens-là. Donc « Zoom », c’est une sorte de façon très fonctionnelle, de se rencontrer à plusieurs, de travailler. Mais ça reste très vidéo 2D, une mosaïque de vidéos. Si on va vers la 3D, on peut créer des espaces de rencontre où on reproduit dans un espace virtuel les mêmes codes de spécialisation qu’on aurait dans des espaces physiques normaux. Donc, on peut faire des petits groupes, des apartés à quelqu’un qui parle, participer et contribuer. Moi, je trouve que c’est très, très excitant pour les créatifs cette ouverture-là et je pense que ça peut s’améliorer. La résolution graphique et temporelle qu’on obtient avec un fureteur Web, c’est bien en dessous de ce qu’on peut faire avec des engins 3D temps réel comme Unity ou Unreal. Mais tous ces genres, tous ces mondes-là au fond sont des degrés divers de granularité. On peut dire qu’un site web 3D temps réel, va être très peu granulaire. Mais si on a un réseau 5G, par exemple, ou une connexion très haut débit avec des bons ordinateurs on va arriver graduellement à quelque chose qui ressemble à ce qu’on peut voir sur Unity dans les jeux vidéo ou comme Unreal.

Une autre chose qui arrive, je trouve, c’est que les gens du jeu vidéo le savent bien. Les œuvres ne sont plus terminées. On est plus devant un tableau fini ou une statue ou une installation fixe linéaire qu’on regarde de façon linéaire, sans intervenir. On est dans des œuvres participatives, donc ça représente pour moi, l’idée du participant. Il faut lui faire une place. Il faut l’inviter dans l’œuvre. Il faut lui offrir une expérience intéressante, lui permettre de transformer l’œuvre, etc. Ce n’est pas nouveau, ça date. C’est venu avec l’interactivité et les jeux vidéo sont la première forme, la forme la plus embryonnaire de tout ça. Mais on va aller au-delà de ça. Et je pense que dans les programmes qu’on voit, design, jeux vidéo et médias interactifs, on voit déjà au-delà du jeu au fond, dans l’idée qu’on entre dans des mondes qui sont vivants, qui se transforment par notre présence, etc.

L’autre chose qui change aussi, à mon avis, de façon très rapide, c’est les réseaux. Donc on a des réseaux à très haut débit. On est branchés maintenant sur la fibre optique, sur des réseaux qui nous offrent des très, très grande bande passante bidirectionnelle. Donc, on peut non seulement recevoir très rapidement des contenus de très haute résolution, mais aussi les transmettre. Donc, on est dans un monde interactif aussi. Ces réseaux le permettent.

Puis on nous dit que la 5G. Je ne sais pas encore exactement ce que ça fera, mais la 5G pourrait permettre ça, mais de façon ubiquitaire, c’est-à-dire que nous n’avons pas besoin d’être chez soi derrière son poste de travail, on pourrait être en déplacement. Ça crée un monde où on est partout et de façon instantanée. Et l’effet pour moi, c’est qu’on va décentraliser les centres de création et les symboles de la culture mondiale. On peut très bien être où on veut sans pour autant être à la périphérie du système.
On peut émettre, recevoir, participer, peu importe l’endroit où on se trouve. Donc ça crée une nouvelle géographie et surtout le fait aussi qu’on peut traduire en temps réel beaucoup de langues maintenant, avec des outils comme Google Translate, on peut prendre notre texte bien écrit dans une langue, et on peut presque instantanément le traduire 126 langues, donc. On arrive aussi dans un espace beaucoup plus ouvert, mais aussi beaucoup plus multiculturel. On va peut-être sortir de cette espèce d’hégémonie de l’anglais, qu’on a connu jusqu’à maintenant comme étant le passage obligé pour rayonner à l’international.

A mon avis, on va pouvoir, avec la traduction en temps réel, travailler dans sa langue, dans sa culture, mais être compris et intelligible au fond pour l’ensemble de la population. Voilà, c’est un peu ce que je vois comme changement. Tous ces changements sont déjà en cours. C’est juste qu’on pense que ça va s’accélérer dans les années qui viennent. Il faut déjà être là, si on a 20 ans aujourd’hui, ça fait partie de notre avenir immédiat.

J’ai fait l’expérience depuis 2 ou 3 ans, de textes que j’écris en français. Puis j’ai validé la version anglaise et inversement. C’est vraiment impeccable. Ça demande des retouches, évidemment. Mais, c’est très, très proche non seulement du vocabulaire et de la syntaxe, mais de l’intention aussi entre le français et l’anglais. Je ne sais pas si tu passes du français aux Japonais ou aux Croates. J’en sais rien, mais c’est une bonne mesure de la qualité de la traduction.

Là, c’est encourageant. Par contre, là où je suis inquiet avec l’intelligence artificielle, c’est quand on confie à des machines le soin de composer des textes. Alors on s’est amusé au fond à faire des engines qui génèrent des bulletins météo. Ça peut aller, mais quand on commence à générer des pseudo articles scientifiques, ça, c’est vraiment inquiétant. Parce que là, il peut y avoir de vrais billets et des vraies fausses nouvelles qui nous font, qu’on va se mettre à douter de tout.

Mais là où je suis aussi le plus inquiet, les rédacteurs automatiques qui simulent au fond la façon dont les humains écrivent des articles scientifiques ou autre chose, c’est quand on arrive aussi à faire les « DeepFake ». On peut imiter la voix de quelqu’un, imiter l’image de quelqu’un. Et là, dans la mesure où on va avoir de plus en plus d’occasions de se fréquenter virtuellement dans des sites de 3D temps réel, tout ça donc, l’idée qu’on soit pas absolument certain que la personne qui est devant nous est celle qu’on pense, donc ça devient un peu inquiétant.

Donc, l’intelligence artificielle, c’est comme une technologie extrêmement puissante, le deep machine learning. L’apprentissage machine profond, ça peut faire des choses formidables, mais ça peut aussi faire des choses aussi dangereuses. Et c’est pour ça qu’il faut qu’on soit (là, ndlr.). Il faut que la personne qu’on forme en média créatif, soit une personne qui a un sens critique très développé envers la technologie, justement pour se servir de cette technologie très puissante, mais à bon escient. C’est-à-dire? Il y a des choses qu’on va accepter de faire, d’autres qu’on n’acceptera pas de faire.

Il faut garder, il faut rester humanistes. Malgré tout, on doit accepter que l’humain soit amplifié par la machine, soit aidé, par exemple. On adore ça, taper dans le champ de recherche Google, une question puis avoir une réponse qui fait du sens rapidement. Mais il faut quand même vérifier nos sources, se questionner sur l’usage que l’on fait des technologies pour rester humains dans tout ça ? Parce que les algorithmes sont très puissants. Vous connaissez peut-être Pierre Lévi, on parle dans ce couple humain/machine, d’intelligence collective augmentée par la puissance des machines, mais c’est de l’intelligence humaine au départ, qui est augmentée par les machines. Ça ne devrait pas être le contraire.

Absolument. Dans les trois cas de figure, que ce soit comme artiste pratiquant ou comme prof d’université, qui a un labo Métalab-Sat ou comme partenaire de recherche ou même comme artiste résident à la Sat, moi j’ai toujours eu besoin d’expertises complémentaires. Donc je suis souvent celui qui va avoir les idées où monter le labo. Mais après ça, il faut trouver d’autres personnes pour venir en appui. Une fois qu’on a eu le financement et l’idée, l’espace et les machines. J’ai toujours recherché d’abord des bons programmeurs, des gens qui en sont capables. La programmation C++, C#, avec JavaScript, ça peut justement être capable de travailler avec des logiciels 3D temps réel comme Unity ou Unreal, mais il faut des gens comme ça. Sinon, on peut avoir une très, très bonne idée, mais on est incapable de la prototyper ou de la développer. Ces gens là, au fond il ne faut pas les voir comme des exécutants, il faut les voir comme des partenaires de création parce que souvent, on a une idée. Puis là, tout à coup en développement, l’idée se transforme et puis devient méconnaissable. Parce que, on doit s’ajuster au fond, avec ce que nos appareils peuvent accomplir comme tâche, la puissance de calcul des ordinateurs. Mais aussi, il y a un langage commun aux gens qui sont plus du côté conceptuel ou du côté architecture d’information. Le langage commun qui se forme dans l’interaction des équipes, donc, après ça, on cherche des gens qui sont familiers avec le design. Moi, j’aime beaucoup l’idée de design et d’expériences, mais le design d’expérience et design d’interaction, design immersif s’apprend. Ces gens là sont des bons artisans ou essentiels quand on fait des trucs où il y a un aspect jouable en design de jeu.

Les jeux vidéo, c’est une chose, mais il y a du jouable dans beaucoup de choses qu’on fait aujourd’hui. Ce sont des enjeux, des façons de faire évoluer l’expérience. On en a besoin de plus en plus parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de jeux qui sont en ligne ou qui impliquent des participants distants. Donc intégration technologique, montée des serveurs, architecture réseau. Ce sont des choses qui sont devenues essentielles dans les projets. On veut être capable d’envoyer beaucoup de data, de recevoir du data à partir de capteurs, de pouvoir coder, transmettre, décoder, donc ils sont des aspects essentiels.

Évidemment, on a besoin de modélisation 3D, d’animation en 3D. Personnellement, je suis très attaché à la photographie. Au fond, si on devait enlever beaucoup, beaucoup de couches, essentiellement chez un photographe, je préfère récolter la lumière, ce qui a autour de moi. Et puis d’en faire quelque chose d’immersif et d’interactif plutôt que de tout dessiner à partir de rien. Donc, la photographie est un art. C’est, je pense, le daguerréotype de 1837. Ça continue d’évoluer. C’est formidable. Comme ça continue d’évoluer aujourd’hui ?

On parle de photogrammétrie, donc, à partir de plusieurs prises de vue, de constituer un objet 3D ou un espace, ou avec un Lidar, on réussit à faire des lectures très, très précises de l’espace par nuage de points. Il y a aussi la technologie du « light field » dont on parle beaucoup au cinéma. Cela semble encore très, très compliqué et cher, mais c’est un peu comme la nouvelle holographie, si on veut. Il faut regarder ces choses, comment ça peut être incorporé à la boîte à outils du créateur.

Puis, évidemment, on pense toujours à l’image, mais il faut aussi penser au son. Des compositions sonores, donc des musiciens, des gens qui sont capables de créer des paysages sonores à partir d’œuvres créées ou encore de captations. Et puis, tout ça doit être spécialisé parce que souvent, on va se déplacer dans des mondes, donc comment est-ce qu’on peut reproduire l’espace non seulement visuel, mais aussi sonore, pour donner une crédibilité à l’expérience qu’on vit.

C’est un peu rapidement les expertises que je chercherai, mais il y a une autre expertise aussi apparue plus récemment. C’est des gens qui sont capables d’évaluer l’expérience, la qualité d’expérience, parce que souvent, on va présumer beaucoup de choses quand on fait un design de jeu ou d’expériences immersives, interactives. Mais après ça, il faut observer comment les gens interagissent dans l’expérience. Et puis, se faire des corrections, l’observation. C’est plus une discipline, presque des sciences humaines. Et puis aussi, si on fait de l’observation critique, on va se demander au fond comment tout ça transforme la société et nous amène collectivement à faire face aux enjeux essentiels de notre civilisation, changement climatique, inégalités sociales. Et tout ça… Parce que je pense que l’art, ou la création est un facteur important de développement culturel économique qui doit être collé sur les grands enjeux sociaux qui sont les nôtres aujourd’hui.

Pour moi, une formation académique doit obligatoirement être complétée par des stages, parce que le stage c’est un « Reality Check », puis des bons stages, en fait des stages qui viennent compléter la formation et qui sont enrichissants pour les deux parties, pour l’entreprise qui accueille, apprendre sur les nouvelles tendances, etc. Les gens ont 20 ans, ils ont des nouvelles compétences qui vont profiter à l’entreprise et en même temps, ces gens là voient un peu comment on fait pour gagner sa vie dans ce milieu là.

L’autre chose, c’est de participer à des concours internationaux. Pour moi, c’est important. On est dans les médias créatifs, on est vraiment dans un environnement international. Il faut faire des concours, il faut se mesurer aux autres. Il ne faut pas se contenter d’avoir du succès régional. Il faut viser de compétitionner à l’international. Donc toutes ces occasions là qu’on a de présenter notre travail ou de voir le travail des autres sont importantes.

Puis je dirai aussi, comme la boîte à outils du créatif est en constante transformation, il faut vraiment trouver une façon de se former en continu. Il faut continuellement faire de la veille technologique, se garder à jour. Et puis, essayer de suivre les débats, c’est quelque chose qu’on peut apprendre, je crois, ou encore plus apprendre que c’est important de le faire pour rester sur des positions qui vont devenir vite passées, caduques.